Dès que la période hivernale approche, les températures baissent à Strasbourg et la ville se prépare pour les fêtes de Noël et du Nouvel an. La ville se pare donc de nombreuses guirlandes et illuminations, et met – comme à son habitude – en place son très réputé marché de Noël (qui n’a malheureusement pas lieu cette année du fait de la situation sanitaire actuelle). Strasbourg place aussi un immense sapin décoré de boules et de guirlandes au centre de la place Kléber. La foule passe donc devant les décorations et les sapins toute la journée, mais à la tombée de la nuit, certaines personnes se trouvent seules et encore au cœur de la ville : les sans-domiciles fixes. Ces personnes, du jour au lendemain, se sont retrouvées dehors sans la possibilité de pouvoir payer un endroit où vivre. Ils ne peuvent non plus se nourrir ni se vêtir correctement. Ils sont obligés de passer le printemps, l’été, l’automne et l’hiver dehors dans des conditions difficiles et dangereuses. La seule option est de pouvoir compter sur la générosité des passants et sur l’aide que peuvent leur apporter différents organismes nationaux ou régionaux tels que la Croix-Rouge et les associations de la ville.
En effet, au sein de nombreuses villes, comme c’est le cas à Strasbourg, des maraudes sont organisées plusieurs fois par semaine afin de venir en aide aux sans-abris. Celles-ci se déroulent tout au long de l’année.
Qu’est-ce qu’une maraude ?
Ce terme est de plus en plus présent dans notre quotidien. Une maraude, c’est une marche d’un groupe de personnes à pied ou en voiture. Cela a pour but de venir en aide et de rencontrer un maximum de personnes dans le besoin, en distribuant des vivres, des vêtements mais aussi partager des moments avec ces personnes qui vivent dehors. C’est une action de solidarité et d’entraide qui permet d’alléger le quotidien des personnes dans le besoin. Des maraudes sont organisées à peu près partout en France mais aussi dans le monde entier. Elles sont la plupart du temps misent en place par des associations connues comme La Croix-Rouge ou les Restos du Cœur mais aussi par de plus petites associations.
A Strasbourg, elles sont nombreuses et se relaient afin d’améliorer la vie des nombreux sdf présents dans les rues.
Pour cet article, le Strassbuch a donc interviewé Mehdi Bouzouad, un jeune ingénieur en génie industriel originaire de Moselle et présent à Strasbourg depuis plus de 5 ans. Il est le président de la jeune association Ô Cœur de la Rue. Il effectue des maraudes depuis 5 ou 6 ans et son parcours est inspirant : il a commencé ses maraudes dans un premier temps indépendamment d’une association, puis au fur et à mesure, il a eu envie de développer une structure qui lui permettrait d’aider plus facilement et sous une même bannière les personnes en précarité à Strasbourg. Monsieur Bouzouad à créé, avec une petite équipe de 5 personnes, l’association Ô Cœur de la Rue. Cette association à but non lucratif existe officiellement depuis le 1 octobre 2020 mais maraude dans les rues de Strasbourg depuis plus de 4 ans.
L’équipe est composée d’une secrétaire qui s’occupe de l’organisation et des informations de l’association. Une responsable communication s’occupe de la visibilité sur les réseaux sociaux mais aussi auprès de journaux et influenceurs, c’est l’interlocuteur principal de l’association. Il y a aussi des responsables partenariats dont le rôle est d’obtenir un maximum de partenaires avec des collectivités, des particuliers et des entreprises. Leur objectif est d’obtenir un maximum d’aides pour réaliser plus facilement la distribution de colis alimentaires, de kits d’hygiène ou vêtements ceux-ci afin de limiter les coûts financiers. Une trésorière s’occupe de l’aspect financier de l’association et l’équipe est au complet avec Monsieur Bouzouad qui, en tant que président, gère le projet et essaye de mettre en place une stratégie de déploiement et un plan d’action afin d’atteindre les objectifs d’Ô Cœur de la Rue.
LE DÉROULEMENT TYPE D’UNE MARAUDE
La maraude rencontre environ une quarantaine de personnes par soir. La petite équipe et les bénévoles réalisent entre 30 et 35 kits alimentaires qui sont toujours tous distribués. En effet, l’association fait attention à ne pas créer trop de kits afin d’être sûre de pouvoir tout donner et ne pas gaspiller.
Parmi les personnes aidées par Ô Cœur de la Rue, seulement 30 % sont des sans-domicile fixe, les autres sont des personnes dans le besoin malgré le fait qu’ils aient un toit.
Cette petite équipe de 6 personnes organise, tous les mardis, une maraude, elle s’organise via les réseaux sociaux pour récolter les besoins nécessaires à la maraude. L’association et ses bénévoles utilisent un tableau récapitulatif des besoins nécessaires, pour ensuite pouvoir les distribuer suivant un trajet spécifique. Ils se retrouvent tous Rue de Sarrebourg à 19h30, pour discuter et construire les différents kits qui vont être distribués durant la soirée. Ceux-ci sont ensuite répartis entre deux groupes suivant des trajets différents, le départ est prévu pour 19h45.
La première équipe suit l’itinéraire principal. La marche démarre rue de Sarrebourg et se dirige vers Électricité de Strasbourg puis vers les Halles, l’arrêt Homme de fer, Place Kléber, longe les arcades jusqu’à la cathédrale. Elle part ensuite vers la Grande Rue, jusqu’à la gare et pour finir retourne au point de départ. Le trajet effectué est d’environ 4 à 5 kilomètres dans le centre strasbourgeois.
La deuxième équipe n’a pas de trajet précis. Elle improvise, cela signifie qu’elle se rend dans les ruelles parallèles au chemin emprunté par la première équipe afin de toucher un maximum de personnes. Celle-ci sert aussi de « back-up » : pour pallier le manque de kits alimentaires ou de vêtements de la première équipe.
Tous les mardis soir, des kits alimentaires et d’hygiène sont préparés. Ils se composent de pain, chips, bouteilles d’eau, jus, gâteaux, fruits : tous ces aliments sont essentiels pour un repas consistant à l’instant-t. Des bénévoles confectionnent quotidiennement un plat chaud qui sera distribué avec les kits.
Ils confectionnent également des kits d’hygiène composés de mouchoirs, gel hydro alcoolique, brosses à dents jetables, dentifrice, masques ainsi que des vêtements. L’association s’adapte à la saison et aux situations pour distribuer vivres et vêtements.
Après plus de 5 ans de maraudes, Monsieur BOUZOUAD constate un pic du nombre de sans-abris au moment de l’hiver. Il l’explique par le fait que durant l’année, les sans-abris bougent beaucoup et qu’on les aperçoit moins. Ils reviennent durant l’hiver dans leurs spots habituels. Cela vient aussi du fait que de nombreux sans domicile fixe sont expulsés à l’approche de l’hiver.
La ville de Strasbourg essaye d’aider ces sans-abris grâce à des plans de grand froid : elle essaye de les reloger, mais ce n’est pas toujours facile. C’est pourquoi les maraudes des associations sont indispensables.
PARTENAIRES & ADHÉSIONS
Ô Cœur de la Rue possède déjà des partenaires malgré son jeune âge :
- Dominos pizzas : donnent des pizzas tous les mois qui sont ensuite distribuées,
- Starbucks, qui fournit du café, des thés et des boissons chaudes,
- Toutes les autres associations de lutte contre la précarité strasbourgeoise s’échangent des vêtements et de vivres. En effet, les différentes associations partagent un local ce qui leur permet de stocker les vivres et de les distribuer.
Il existe aussi des dons faits par des boulangeries qui donnent leurs invendus ou encore des dentistes qui fournissent des brosses à dents et du dentifrice.
Depuis le 1er octobre 2020 : l’association a récolté 1500 euros de dons en adhésions qui vont leur permettre d’acheter de nouveaux chariots, cocottes minutes ou encore louches. Cela permettra aussi d’aider à la créations de kits alimentaires non périssables, de kits d’hygiène etc.
Pour les contacter et intégrer l’association vous pouvez retrouver toutes les informations nécessaires sur les différents réseaux sociaux de l’association et aussi sur leur site internet : https://www.ocoeurdelarue.fr
Si vous souhaitez intégrer Ô Cœur de la Rue, une cotisation de 5€ pour les étudiants et les sans-emplois, et une cotisation de 10 € pour les salariés sera demandée. La pandémie de Coronavirus a imposé des changements administratifs : À cause de la situation sanitaire, l’association a dû mettre en place une attestation de bénévolat a l’instar des grosses structures.
Parmi les nombreux bénévoles de l’association, on trouve de nombreux étudiants, des salariés et des sans-emplois. Une partie de ces étudiants font partie de l’École de Management de Strasbourg. Nous avons interviewé Safia Chouit, élève de l’EM Strasbourg et présidente du Bureau de l’Humanitaire de l’École de Management de Strasbourg.
Safia est une jeune étudiante de 21 ans originaire d’Annecy et présente sur Strasbourg depuis plus d’un an. La jeune femme a toujours souhaité faire de l’humanitaire, mais pas en faire son métier, c’est pour cela qu’elle s’est investie dans la création d’une association, appelé « Nour » et qui vient en aide aux enfants dans les hôpitaux au Maroc durant ces premières années d’études. Elle a postulé pour reprendre le Bureau de l’Humanitaire (BDH) de l’EM Strasbourg dont elle est la présidente aujourd’hui. C’est l’une des plus grandes associations de l’école. Safia a pour but de faire un voyage humanitaire en Colombie à la fin de l’année et possède plusieurs pôles dans divers domaines, notamment le pôle Maraude qui collabore avec Ô Cœur de la Rue. Elle a rencontré par hasard cette association en pleine maraude lorsqu’elle distribuait elle-même avec des camarades des sandwichs à des sans-abris. Une discussion s’est ensuite engagée afin d’obtenir des renseignements suivis d’une discussion au téléphone quelques jours plus tard pour se mettre d’accord et pour que le BDH apporte son aide à l’association.
Cette collaboration a été de suite une évidence pour les deux parties puisque l’EM Strasbourg accorde des volontaires pour participer aux maraudes tandis que Ô Cœur de la Rue apporte le cadre nécessaire aux étudiants pour découvrir vaillamment et en sécurité les maraudes.
SE LANCER DANS LES MARAUDES
D’après les différents témoignages recueillis, faire des maraudes peut paraître éprouvant émotionnellement ou encore dangereux à cause des différents stéréotypes qui entourent les sans domiciles fixes.
Comme toute nouvelle expérience, celle-ci peut faire peur mais, une fois le processus enclenché, on se rend vite compte des plaisirs de partager, de communiquer, d’aider qui règnent au sein des maraudes. Les différentes rencontres effectuées amènent à se remettre en question et à se dépasser afin d’aider les uns et les autres. Et surtout de donner un moment de partage à des personnes qui sont dans le besoin, qu’ils l’acceptent ou non.
Pour conclure, le Strassbuch a posé une question à Mehdi BOUZOUAD, président de l’association Ô Cœur de la Rue ainsi qu’à Safia CHOUIT, présidente du BDH de l’EM Strasbourg :
Comment inviteriez-vous les gens à participer à des maraudes ?
Voici leurs réponses :
Mehdi BOUZOUAH : « La lutte contre la précarité, qu’elle soit à Strasbourg ou ailleurs, ce n’est pas simplement une action ponctuelle et régulière, c’est un véritable mouvement où tout le monde doit participer en faisant des dons de temps, d’argent et de matériels. Beaucoup de personnes disent qu’ils veulent aider mais ne savent pas comment faire. Beaucoup pensent qu’il faut donner beaucoup d’argent, ou qu’il faut acheter beaucoup de choses pour la maraude, mais au final, l’aide est très simple car elle nous permet d’avoir plus de visibilité, avec des partages et des j’aimes. Vous pouvez aussi accompagner sur le terrain. Le but étant de partager son temps car la personne qui va aller sur le terrain et voir la précarité de ses propres yeux – non plus à travers ce que nous montrent les médias – va se rendre compte de la réalité des choses pour ensuite transmettre sa vision sur les maraudes. Le plus important est de venir voir soi-même car nous vous ouvrons les portes pour que vous puissiez vous rendre compte de ce qui se passe et ainsi de comprendre qu’une aide, aussi petite qu’elle soit, a un impact important. »
Safia CHOUIT : « Pour se lancer dans les maraudes, le mieux est de se lancer avec une association : tout seul on n’a pas la même aisance. Une qualité qui joue beaucoup c’est la curiosité. J’encourage a essayer au moins une fois de participer à une maraude car cela ne prend que 2 ou 3 heures dans une semaine et on peut découvrir une diversité de profils, que les sdf sont généreux et solidaires… Ça leur fait plaisir de nous voir et nous aussi ça nous rend heureux. C’est une superbe expérience à faire au moins une fois dans sa vie, c’est vraiment facile et au final ça ne demande que de la curiosité, du temps et de l’envie. »
La précarité est un problème qui n’est que trop présent dans notre société. Le manque d’informations sur ce sujet n’en est pas moins inadmissible. Il existe différentes solutions afin d’y remédier les dons mais surtout les maraudes en font partie. C’est ainsi que, grâce à des personnes comme Mehdi ou Safia, les Français peuvent rester informés et peuvent comprendre que, pour faire changer les choses à leur échelle, quelques minutes de leur temps suffisent. Oserez-vous tendre la main ?
Article rédigée par Herzog Heidi,
Rédactrice pour le Strassbuch.